Le Nigéria, colosse aux pieds d’argile
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Le Nigéria, colosse aux pieds d’argile

Par Philippe Oswald - Publié le 15/02/2019
L’élection présidentielle qui se déroulera samedi 16 février (suivie des législatives, le 2 mars) donne l’occasion de dresser un bilan de santé du plus peuplé des pays d’Afrique (190 millions d'habitants). Peu importe qui l’emportera des deux candidats principaux, le président sortant, l'ancien militaire Muhammadu Buhari, 76 ans (candidat du Congrès des progressistes, APC), ou l’ancien vice-président, le businessman multimillionnaire Atiku Abubakar, 72 ans (candidat du Parti populaire démocratique, PDP). L’un et l’autre sont accusés de corruption. Néanmoins, ils la dénoncent à qui mieux mieux ainsi que l’insécurité généralisée…

Avec la corruption, une violence multiforme mine le Nigéria : une criminalité galopante, des conflits entre communautés (notamment des affrontements sanglants entre agriculteurs majoritairement chrétiens et éleveurs peuls musulmans dans la région centrale, la Middle Belt, grenier du pays) et les attaques des islamistes de Boko Haram qui, depuis neuf ans, ont provoqué la mort de quelque 27.000 personnes dans la région du lac Tchad (sur le territoire nigérian et dans les pays frontaliers, Cameroun, Niger et Tchad). Si la pression de Boko Haram baisse au nord du Nigeria, comme à Kano, capitale économique régionale, le groupe djihadiste reste très actif au nord Est, autour de Maiduguri et sur le pourtour du lac Tchad. La campagne électorale elle-même est émaillée de violences : quinze personnes ont encore été tuées le 12 février à la fin d'un meeting du président Buhari à Port-Harcourt, dans le sud-est du Nigeria. Simple bousculade… Mais si les candidats à la présidentielle ont signé un accord de paix promettant d’accepter le verdict des urnes, les Nigérians ont en mémoire les 1000 morts provoqués par l’annonce des résultats de 2011.

Le contexte social est des plus tendus. Le chiffre officiel de 16 millions de chômeurs ne traduit pas la réalité des millions de personnes sous-employées. Pour réduire le chômage qui touche un quart de la population active et plus de la moitié des 15-35 ans, il faudrait que le produit intérieur brut (PIB) progresse annuellement de 6 % à 8 %. Or la progression du PIB n’a été que de 2 % l’an dernier.

 Au Nigéria, 60% de la population a moins de 30 ans, et l’âge médian est de 18 ans. Avant d’être une richesse, cette jeunesse est une réalité explosive. Avec un taux de fécondité de 5,5 enfants par femme, la population devrait doubler d’ici à 2050 ! Les jeunes et leurs familles souffrent notamment d’une crise généralisée de l’éducation, depuis les écoles primaires jusqu’aux facultés publiques dont les étudiants et les professeurs attendent toujours la modernisation promise en 2013 par les autorités fédérales. Les grèves à répétition n’ont fait qu’empirer la situation.

Le Nigéria a cédé sa place de première puissance économique du continent à l’Afrique du Sud (pourtant elle aussi en proie à une redoutable insécurité). A cause de la chute du prix du pétrole (chute vertigineuse entre 2014 et 2016) et plus encore, de l’insécurité, la pauvreté explose sur fond d'inflation élevée. Selon la Banque mondiale, le pays compterait désormais plus de personnes en situation d'extrême pauvreté (moins de 1,90 dollar par jour) que l'Inde. La crise est particulièrement visible à Lagos, l’ancienne capitale, mégapole où s’entassent quelque 20 millions d'habitants. Enfin, pas les riches (dont des milliardaires vivant sous haute protection) mais les millions de pauvres peuplant les bidonvilles.

Dans ce contexte de tension et d’angoisse, c’est le sort des plus pauvres qui préoccupe le plus Mgr Ignatius Kaigama, archevêque catholique de Jos, dans le nord du pays toujours menacé par Boko Haram. Il témoigne néanmoins de son espoir d’une « révolution morale de la jeunesse » dans cet entretien (en lien ci-dessous) accordé à l’association Aide à l’Eglise en détresse (AED).
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