Le modèle italien
Politique

Le modèle italien

Par Louis Daufresne - Publié le 18/03/2020
Arrogants, indisciplinés, envieux, combinards : si la crise du coronavirus souligne les vices de la mentalité française, l’image de l’Italie en ressort grandie et, comme l’écrit Valérie Segond dans les pages débats du Figaro du 16 mars, « lorsque la pandémie prendra fin, [elle] pourra affirmer qu’elle a été un modèle sans imposer une dictature ». Dans son analyse, la correspondante à Rome relève plusieurs aspects intéressants :

« La dynamique politique propre à l’Italie n’est pas étrangère à la réponse ferme du gouvernement », écrit-elle. En cinq jours, nos voisins réussirent à mettre en quarantaine 60 millions de personnes. C’est la Lombardie dirigée par la Ligue d’Attilio Fontana qui imposa sa volonté au pouvoir romain. Or la Ligue est jugée ici comme un parti extrémiste, infréquentable, en tous points inimitable. La Macronie ne pouvait s’aligner sur son initiative. Milan est la vraie capitale de l’Italie et, leçon singulière, la décentralisation de la botte ne la plongea point dans l’impéritie totale. Si seulement nos « cousins », par laxisme, avaient pataugé dans cette crise ! Qu’aurions-nous entendu sur la supériorité du modèle français ! La sociologie des organisations devra étudier ce cas pratique : il n’y a pas d’automaticité entre la rapidité de l’action et le monopole de la décision. Milan et Rome finirent par s'entendre. On s’amuse à bon compte des frasques de la vie politique transalpine, ramenée à la comedia dell’arte, à la combinazione, à la mafia et à la corruption. On oublie que le niveau d'un Silvio Berlusconi n'est pas plus pitoyable que celui d'un Benjamin Griveaux ou d'une Marlène Schiappa. De plus, en France, nos fragilités apparaissent d’autant plus béantes que les projecteurs médiatiques n'éclairent que le théâtre parisien. Et chez nous, aucune région n’aurait pu agir d'autorité à l’égard de la capitale. Notre histoire est différente, répondent les fatalistes. Certes mais qui sait si la décentralisation italienne ne permit pas aux acteurs d’être plus réactifs, moins attentistes ?

On touche ici à une autre réalité plus profonde : la confiance dans les institutions. En Italie, l’État ne s'oppose pas à la nation. Et Valérie Segond de citer Jean-Pierre Darnis, de l’université Sophia-Antipolis : « Si les gouvernements valsent comme sous la IVe République en France, les grandes institutions, la police, la justice, la protection civile sont, elles, très solides et respectées. » Et on peut y ajouter la presse encore très dynamique et crédible. Ces conditions favorables firent circuler l’information « au plus près du sol ». Les Italiens respectent d’autant mieux les consignes qu’ils conservent un esprit de village propre aux sociétés méditerranéennes où le collectif soutient le particulier. À côté, la France ne produit que méfiance et défiance envers les corps intermédiaires. Disposer des hauts fonctionnaires les mieux formés du monde ne suffit pas à fabriquer du « pacte républicain » et du « vivre ensemble ».

Troisième point : l’esprit d’équipe : « Dans l’épreuve comme dans la compétition sportive, les Italiens se serrent les coudes. » La Squadra azzurra, la sélection nationale de football, est connue pour sa férocité défensive (qui remonte au fascisme). Quant aux tifosis, ils enflamment les stades de leur folklore communautaire et parfois de leurs excès identitaires. La discipline n’interdit pas l’excentricité. Sur leurs balcons parsemés de leur drapeau tricolore, ils chantent l'hymne national, des airs d’opéra ou même des cantiques revisités. Imagine-t-on pareilles scènes dans nos rues ? Celles-ci n'effacent pas la division de la péninsule. Mais si en Italie, le Nord et le Sud s'opposent culturellement car il s'agit de deux pays différents, chez nous l'opposition Paris/province est d'ordre social, comme l'attestent les Gilets jaunes. Et quel esprit d’équipe peut-on attendre des Parisiens débarquant dans leurs résidences secondaires, à Noirmoutier ou à l’Île de Ré ? Leur légèreté les fait se précipiter sur les plages, piller les magasins et les stations-services, sous l’œil des « gens du coin » médusés et jaloux – qui cassent leurs pare-brise et les dénoncent à la police…
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