L’avenir de l’Union Européenne selon Olaf Scholz
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L’avenir de l’Union Européenne selon Olaf Scholz

Par Philippe Oswald - Publié le 05/09/2022
Le chancelier allemand Olaf Scholz a prononcé un important discours sur sa vision de l’Union européenne, à l’Université Charles de Prague, le lundi 29 août (texte intégral en lien ci-dessous, traduit par la revue Le Grand Continent). Affirmant à quatre reprises que l’UE doit s’adapter au « changement d’époque », il a esquissé un programme de réformes pour qu’elle renforce son rôle « géopolitique » et défende sa « souveraineté ». Pour l’immédiat, il a assuré que l’Allemagne continuerait d’aider l’Ukraine contre « l’agression russe » qu’il a assimilée à une guerre contre les démocraties occidentales. À moyen terme, il a plaidé pour un élargissement de l’espace Schengen à la Croatie, à la Roumanie et à la Bulgarie, et à plus long terme, pour une extension de l’UE à « 30 ou 36 membres » (27 actuellement) avec l’entrée de certains pays de l’Est (Ukraine, Moldavie, Géorgie) et des Balkans.

Le point essentiel de ce programme est l’abandon de la règle de l’unanimité au profit de la « majorité qualifiée » dans les domaines de la politique étrangère et de la fiscalité. Autrement dit : un pays membre de l’UE ne disposerait plus d’un droit de véto pour bloquer une décision prise à la « majorité qualifiée » (c’est-à-dire adoptée par 55% des États membres représentant au moins 65% de la population de l'Union européenne : c’est l’un des modes de vote actuellement appliqué au sein du Conseil des ministres de l’Union européenne dans certains secteurs : Agriculture et pêche, Compétitivité, Emploi, etc.).

Si les gouvernements nationaux ne pouvaient plus bloquer des décisions contraires à leurs intérêts sur des sujets aussi essentiels que la fiscalité ou la politique étrangère, c’en serait totalement fini de leur souveraineté nationale. Une fois abandonnée l'unanimité, certains pays seraient systématiquement minoritaires, d’autres décidant pour tous... Le chancelier social-démocrate veut aussi s'attaquer au « rétrécissement non coordonné des forces armées européennes et des budgets de défense », dévoilé par l'invasion russe de l'Ukraine. Il a enfin affirmé son soutien à la proposition d'Emmanuel Macron d'une « Communauté politique européenne » (ouverte aux États du voisinage ayant vocation à intégrer l’Union) lancé le 9 mai par le chef de l’État français. « Les traités européens ne sont pas gravés dans le marbre », a glissé dans son discours Olaf Scholz. « Si ensemble, nous arrivons à la conclusion que les traités doivent être modifiés pour que l'Europe progresse, alors nous devons le faire. » On devine aisément que pour Olaf Scholz, ce « progrès » de l’Europe consiste dans le parachèvement d’une Europe fédérale sur les ruines d’une Europe des nations.

Dans une allocution aux ambassadeurs de France réunis à l'Élysée le 1er septembre, Emmanuel Macron a salué ce discours d’Olaf Scholz sur la souveraineté européenne, analogue à celui qu’il avait prononcé en septembre 2017 à la Sorbonne (Le Figaro, 1er septembre). Pour le président de la République, le discours du chancelier allemand en République Tchèque (pays qui préside actuellement l'UE) « s'inscrit complètement dans le droit fil » de la stratégie promue par la France pour rendre l'UE « plus forte » et « plus puissante ». Pourtant, quand ses intérêts sont en jeu, l’Allemagne n’hésite pas à tourner le dos à l’Europe, et à la France en particulier, qu’il s’agisse de se réarmer en choisissant du matériel américain, ou en s’unissant avec le Canada pour créer un marché commun de l'hydrogène (alors qu’en 2020, Bruno Le Maire espérait « trouver un projet commun franco-allemand » sur l'hydrogène « vert » (décarboné), Olaf Scholz a signé le 23 août avec le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, une déclaration d’intention conjointe engageant les deux pays à collaborer en vue de l’exportation d’ « hydrogène renouvelable et à faible teneur en carbone » canadien vers l’Allemagne.)

Il paraît donc hasardeux de conclure de cette entente programmatique sur l’UE du chancelier allemand et du président français que le « couple franco-allemand » serait au mieux de sa forme. Leurs discours fédéralistes interviennent alors que l’unité des pays de l’UE se lézarde face aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine qui se font sentir de plus en plus rudement avec les restrictions énergétiques, consécutives aux mauvais choix antérieurs (notamment l’abandon du nucléaire par l’Allemagne, et le délabrement programmé du parc nucléaire français.

Au sein de chaque pays, ces sujet mobilisent l’opinion. En France, la popularité d'Emmanuel Macron se situe à 36%, en baisse de 2 points dans le sondage mensuel réalisé par Elabe pour « Les Echos » et Radio classique. En Allemagne, Olaf Scholz, « bat des records d’impopularité avec 25% d'opinions positives contre 62% de mécontents » rapporte RFI. En outre, au sein de son propre parti, le SPD, le chancelier est en butte à l’hostilité de députés partisans de ne plus financer la guerre et de négocier avec la Russie.
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