L’affaire Griveaux ou « l’insoutenable légèreté de l’être » (*)
Politique

L’affaire Griveaux ou « l’insoutenable légèreté de l’être » (*)

Par Philippe Oswald - Publié le 15/02/2020
Nouveau coup dur pour La République En Marche ! Déjà loin dans les sondages derrière Anne Hidalgo et Rachida Dati dans la course aux élections municipales à Paris, son candidat, Benjamin Griveaux, a dû jeter l’éponge, à un mois du premier tour, après la diffusion d’une vidéo à caractère sexuel qu’il avait adressée à une amie. Le procédé pour le faire tomber est évidemment répugnant. Mais le concert d’indignations dans le monde politique et chez les commentateurs tourne à l’exercice convenu et obligatoire. Notre démocratie serait menacée ! Comme si les « boules puantes » étaient une nouveauté dans l’histoire de la République ! Faut-il rappeler que le tribunal révolutionnaire qui envoya Marie-Antoinette à l’échafaud n’avait pas hésité à l’accuser d’inceste pour « charger la barque » ?

Si la République est menacée, c’est avant tout par la légèreté pour ne pas dire l’insignifiance d’une trop grande partie de son personnel politique. Après le ministre de l’Intérieur Castaner filmé en boîte de nuit en pleine crise des Gilets jaunes, c’est l’ancien porte-parole du gouvernement et candidat officiel de la majorité à la Mairie de Paris qui se filme lui-même dans une posture … sur laquelle nous n’insisterons pas. Il est de notoriété publique que ces deux proches d’Emmanuel Macron ont bénéficié du choix du prince alors qu’ils ne faisaient pas le poids. Mais avant eux, d’autres qu’on tenait pour des « poids lourds », Dominique Strauss-Kahn et Jérôme Cahuzac, deux ministres des finances dont l’un était alors favori à l’élection présidentielle, tombèrent à cause de scandales, sexuel pour l’un, financier pour l’autre, qui avaient révélé des failles de la personnalité incompatibles avec leur fonction et leur ambition. Confondus, tous deux avaient dû reconnaître s’être livrés à des « comportements inappropriés ».

On connaît la formule tirée des Six Livres de la République de Jean Bodin (1529-1596) : « Il n’est de richesse que d’hommes ». Bien avant lui, les philosophes grecs Platon et Aristote professaient qu’une république sans hommes vertueux, prêts à se sacrifier pour le bien commun, n’est qu’un « gros animal » à la merci des démagogues et mûr pour la tyrannie. N’est-ce pas cela qui nous menace actuellement, le chaos puis la tyrannie ? Ce n’est pas en muselant les réseaux sociaux au mépris de la liberté d’expression, comme le propose la loi Avia sous prétexte de lutter contre « la haine », que l’on sauvera la République, mais en renouant avec l’authentique sagesse humaniste pour laquelle la vertu n’est pas un gros mot mais le socle fondateur d’un engagement politique. Qu’on ne s’y trompe pas : cette vertu politique est aussi éloignée de la caricature d’un « ordre moral » dictatorial, agitée comme un spectre depuis des décennies par les « déconstructeurs », que de la « moraline » sentimentale et individualiste en vogue aujourd’hui. Cette vertu politique n’est pas réservée aux saints mais combine les quatre vertus humaines essentielles : force, prudence, justice et tempérance, vertus dites « cardinales » parce que toutes les autres s’articulent autour d’elles. Mais au fait, a-t-on jamais entendu parler des vertus cardinales à Sciences Po et à l’ENA ?

(*) Titre d’un célèbre roman de Milan Kundera.
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