Jérôme Salomon étrillé par le Sénat
Politique

Jérôme Salomon étrillé par le Sénat

Par Philippe Oswald - Publié le 12/12/2020
Y aura-t-il un jugement pour Salomon ? Le Sénat n’entend pas donner une suite judiciaire à l’enquête qu’il a publiée le 10 décembre, après six mois de travaux dont 102 heures d’auditions. Mais son verdict est implacable : non seulement le directeur général de la Santé a très mal géré la gestion des stocks de masques, mais il a tenté de dissimuler ce « fiasco » en faisant réécrire un rapport d’expert afin d’en modifier les conclusions. C’est ce qui ressort d’un échange de courriels entre Jérôme Salomon et François Bourdillon, alors directeur de Santé Publique France (SPF, agence nationale de la santé placée sous la tutelle du ministère de la Santé). Si les deux commissions d’enquête parlementaire, celle de l’Assemblée Nationale et celle du Sénat, ont constaté de sérieux dysfonctionnements dans la gestion de la crise sanitaire, le Sénat a eu moins de pudeur que l’Assemblée Nationale pour pousser l’enquête à fond, notamment sur la pénurie de masques, « triste symbole de l’état d’impréparation du pays et du manque d’anticipation des autorités sanitaires face à la crise ».

Pour des motifs purement budgétaires, le directeur général de la Santé (ex-conseiller santé du candidat Macron durant la présidentielle) n'a pas suivi les recommandations de l’expert (Jean-Paul Stahl, professeur de maladies infectieuses au CHU de Grenoble) qui préconisait la constitution d'un stock d'1 milliard de masques sur la base de 50 masques par foyer de Français « en cas d’atteinte de 30% de la population ». L’intervention de Jérôme Salomon auprès du directeur de Santé Publique France visait à… masquer l’énorme décalage entre le milliard de masques recommandé par les experts et les 100 millions effectivement commandés par l'État (50 millions dans un premier temps + 50 millions en fonction des capacités budgétaires). Alors que le rapport initial préconisait la constitution d’un stock stratégique de 1 milliard de masques, le document définitif publié en mai 2019 sur le site de Santé publique France, après l’intervention de Salomon, n'évoque plus que 100 millions de masques. « L’analyse de courriels échangés entre la direction générale de la santé et Santé publique France atteste d’une pression directe de M. Salomon sur l’agence afin qu’elle modifie la formulation des recommandations de ce rapport avant sa publication au grand public » dénonce le rapport sénatorial. En outre, Jérôme Salomon n’aurait pas jugé utile d’alerter sur la pénurie de masques le ministre de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn (sur le départ dès le 15 février pour se lancer aux municipales à Paris, « à la veille d’un épisode épidémique majeur » relèvent les sénateurs). Le rapport sénatorial pointe « une pénurie sciemment dissimilée » par le gouvernement puis les tentatives du ministre de la Santé, Olivier Véran, d’en faire porter l’entière responsabilité sur les gouvernements précédents.

Si les sénateurs n’entendent pas faire traduire Jérôme Salomon en justice, leur enquête a fait réagir le « collectif C19 » qui rassemble quelque 600 professionnels de santé dont une majorité de médecins. Ils exigent que le parquet de Paris auditionne en urgence le directeur général de la Santé pour sa responsabilité présumée dans la pénurie des masques. Il s’agit d’une requête complémentaire dans les enquêtes sur la gestion de la crise sanitaire ouvertes par le parquet de Paris et la Cour de justice de la République après les plaintes de ce même collectif C19. L’avocat du collectif, Me Fabrice Di Vizio, vise non seulement l’audition du directeur général de la santé par le parquet de Paris, mais sa mise en examen pour faux témoignages devant la commission d’enquête parlementaire. Lors de son audition en septembre 2020 devant le Sénat, le directeur général de la santé s’était appuyé sur le rapport Stahl falsifié « pour justifier l’inutilité de constituer un tel stock et la pertinence de n’avoir commandé que si peu de masques en octobre 2018 » constatent les sénateurs. Par-dessus le marché, relève le rapport, les masques n’ont été commandés que huit mois plus tard, dans l’urgence, et à un tarif exorbitant. Serait-il concevable que le directeur général de la Santé reste en fonction après les révélations de la commission d’enquête du Sénat ?
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