Il fait de plus en plus froid au Pôle
Économie

Il fait de plus en plus froid au Pôle

Par Louis Daufresne - Publié le 17/07/2020
On parle beaucoup du virus qui revient et assez peu du chômage qui arrive. Pourtant, cette vague-là risque d’être dévastatrice. Comme au Mur de l’Atlantique, Pôle emploi devrait se préparer à l’assaut des chômeurs qui vont s’abattre sur les plages du licenciement.

L'Unedic anticipe la destruction de 900 000 emplois à la fin de l’année (par rapport au 4e trimestre 2019), ce qui va entraîner l'indemnisation de 630 000 personnes supplémentaires…

Dans un rapport rendu public hier, la Cour des comptes étrille l’opérateur public. L’enquête s’intitule « la gestion de Pôle emploi, dix ans après sa création ». Elle porte sur la période 2012-2019.

Que voyons-nous ? Une certaine impéritie.

Les juges observent une hausse récente des effectifs, de l’ordre de 1000 CDD sur trois ans. Pourquoi pas ? Mais ces contrats sont dirigés vers les services aux entreprises. La Cour préconise de « réexaminer » (terme poli) l'affectation de ces postes « pour faire face à l'augmentation à venir du nombre de demandeurs d'emploi induite par l'épidémie de Covid-19 ». La chose paraissait évidente mais, apparemment, Pôle emploi n’avait pas anticipé une telle perspective, malgré son caractère massif, prévisible et exceptionnel.

« Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé », s’écriait François Mitterrand en 1993. Si tel était le cas, à quoi servent les quelque 50 000 personnes rémunérées par Pôle emploi ? À juste traiter des dossiers ? Et quelle bataille livrent-elles donc sur cette banquise où toute solution serait congelée ad vitam ? Tout n’a pas été essayé contre le chômage (mais c’est un autre sujet) et ce n’est pas à la Cour des comptes de se placer sur ce terrain. Son rapport invite à y regarder de plus près, à « prendre en compte l'ensemble des moyens de Pôle emploi, y compris le potentiel de temps de travail inexploité ». Les magistrats pointent chez l’opérateur un temps de travail inférieur de « 2,5% à la durée annuelle légale » et « un niveau très élevé d'absentéisme ». Sans jouer les grincheux néo-libéraux qui font de l’administration un objet excrémentiel, le citoyen ne peut que s’indigner de ce genre d’abus. Les Français vouent un culte à l’État, lui demandent beaucoup de faveurs mais pas assez de comptes. Il existe justement une Cour pour cela – dont les pouvoirs et les recommandations sont peut-être trop limités (mais c’est aussi un autre sujet). Dans leur mission de salubrité publique, la rue Cambon a le mérite d’épingler d’autres abus, en particulier la politique de l'opérateur envers ses dirigeants : prime de mobilité au montant « excessif », « augmentations très rapides », voitures de fonction systématiques, ruptures conventionnelles « très favorables en fin de carrière ». Quand l’armée, la police, la justice ou même la diplomatie manquent de moyens pour accomplir des missions régaliennes, d’autres services de l’État s’octroient des avantages hors de proportions avec les résultats qu’ils obtiennent. « La gestion des cadres dirigeants, explique la Cour, reste marquée par des pratiques héritées des circonstances particulières de la fusion (entre ANPE et Assedic, en 2008), qui ne sont pas acceptables onze ans après, dans le contexte d'économies imposées à l'ensemble du secteur public depuis plusieurs années. » Le rapport suggère de mettre en place « un comité des rémunérations » pour les plus hauts salaires.

Opacité, obésité : Pôle emploi souffre du virus technocratique. Les indicateurs de performance ne cherchent plus à tuer le mal mais à faire vivre ceux qui l’administrent. La Cour des comptes relève que l'organisme se focalise sur le « taux de satisfaction concernant le suivi dont bénéficient » les chômeurs, et que cet aspect « a pris le pas sur le retour à l'emploi ». Dès lors, comment éclairer le politique, le législateur et toute la nation qui doit arbitrer si les indicateurs se résument au traitement social du chômage et n'évaluent pas la stratégie destinée à le faire reculer ? À moins que cette stratégie n'existe pas.
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Il fait de plus en plus froid au Pôle
Absentéisme, primes, voitures de fonction : la Cour des comptes étrille la gestion des ressources humaines de Pôle emploi
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