Halte au bétonavirus !
Écologie

Halte au bétonavirus !

Par Louis Daufresne - Publié le 05/02/2020
Peut-on laisser faire le « massacre à la bétonneuse » ? Les élections municipales seront-elles l’occasion de parler de l’étalement urbain et de son pendant, l’artificialisation des sols ? En Bretagne, deuxième région agricole de France, celle-ci augmente de 0,76 % par an, selon la direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL). C’est l'équivalent de neuf terrains de football dévorés chaque jour ! Plus de 3100 km2 de terres y sont d'ores et déjà transformées en zones artificielles (maisons individuelles, zones commerciales, routes, etc.). Le pis de ce phénomène est son caractère irréversible. Le Conservatoire du littoral fait exception : c’est une des plus belles missions de service public qui existe. Feu Emmanuel Lopez (1948-2009) en avait défini les contours. Á sa mort à 61 ans, Le Monde le présenta comme « le rempart discret des côtes françaises contre l'urbanisation ». Hommage lui soit rendu quelque dix ans après sa mort car c’est à ce genre de personnage « discret » que nos rivages ne ressemblent pas à la côte belge. Le Conservatoire du littoral n’a pas d’équivalent sur l’ensemble du territoire et, au niveau national, l’artificialisation des sols progresse : 61200 hectares par an de 2006 et 2014, soit l'équivalent de 239 terrains de football par jour ! Ce « betonavirus » se propage avec les zones pavillonnaires, ces métastases de métropole à l’américaine. Les conséquences sont multiples : recul de la biodiversité, incapacité à stocker du carbone, diminution des terres arables, etc. Dans l’opinion, il ne semble pas y avoir un « effet Notre-Dame-des-Landes ». Tout juste un an après l’abandon de la ZAD, aucune mobilisation de choc ne vient amortir cette tendance. Les zadistes étaient de grands conservateurs qui s’ignoraient. Leur combattivité finit par payer, comme celle du Collectif pour le Triangle de Gonesse qui, sur les belles terres de Roissy, obtint voici trois mois l’enterrement du complexe Europacity. Cette militance plus ou moins cornaquée par l’extrême-gauche gagnerait à s’étendre aux milieux abusivement qualifiés de « conservateurs ». Pour conserver quoi, d’ailleurs ? Leur PEA et leur road trip aux US ? Loin d’être de la pâte à modeler, ce sont nos paysages qui modèlent la pâte humaine, la portent à s’émerveiller. Ce combat entre le beau et le laid revêt une dimension totalement politique et métaphysique. Car l’architecture et l’urbanisme dévoilent de manière imparable ce que vaut l’esprit d’une époque, et ce qu’on lui inflige. La nôtre est vouée à la démesure de la technique et au contrôle des masses. Elle est portée par le gigantisme de la tour, espace clos et concentrationnaire pour les pauvres et voué au business pour les riches. La zone pavillonnaire est au capitalisme anglo-saxon ce que le grand ensemble était au communisme russe, la propriété en plus. Elle anonymise et standardise les relations. Chez nous, elle représente aussi ces nouveaux territoires séparés d'une autre zone dite de "non-droit". Malgré tout, la cité blottie autour du clocher disparaît toujours plus, et les amarres se rompent avec l'ancien monde. Combien d'hypermarché délogent la place du village de son statut historique ? Malgré tous les Stéphane Bern, la France est l’un des pays où ce laisser-aller extrémiste se montre le plus assassin. En comparaison, un pays comme l’Italie préserve mieux son homogénéité et son tissu local, bien que cette réalité soit contredite par les statistiques, les pays européens les plus peuplés ayant une artificialisation des sols supérieure à celle de la France : l’Allemagne est à 7,2 %, l’Italie à 7,0 %, le Royaume-Uni à 6 % et nous à 5,2 % (Enquête LUCAS, 2012). Une prise de conscience s’affirme néanmoins dans « l’hexagone » avec le plan biodiversité du 4 juillet 2018 – qui prévoit d’atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) en 2050. Mais l'article ci-joint montre que les choses sont loin d'être acquises.

Revenons à notre région de départ. Pour limiter l’étalement urbain, il existe des leviers, comme l'établissement public foncier de Bretagne créé en 2009. L'EPF aide les maires demandeurs à repérer des friches ou des dents creuses dans des zones déjà urbanisées. L'établissement achète, dépollue, voire détruit les bâtiments existants puis revend le terrain à un bailleur social ou à un promoteur, en gardant à sa charge une partie des coûts. Financé par la taxe spéciale d'équipement, l'EPF dépense environ 40 millions d'euros par an en opérations foncières. En dix ans, celles-ci se montent à 21000 logements. Construits de manière classique, ceux-ci auraient grignoté plus de 1100 hectares de terres agricoles (soit 1571 terrains de football !). Le phénomène est donc mieux encadré, à défaut d’être maîtrisé. La Bretagne n’est pas la seule concernée. Des merveilles comme la Côte d’Azur ou la vallée de Chamonix n’ont pas la chance d’être sanctuarisées. Dans un pays comme la France, on est en droit d’attendre beaucoup plus et beaucoup mieux. Tout se cristallise sur l'éolien et le carbone. Il est fâcheux que le parti écologiste, arbitre des combinaisons électorales, soit myope sur les questions de patrimoine et d’identité locale.
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Si la France n’agit pas, l’artificialisation des sols augmentera de 44 % d’ici 2050
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