« Gilets jaunes » : la jaunisse, ce n’est pas anodin !
Politique

« Gilets jaunes » : la jaunisse, ce n’est pas anodin !

Par Philippe Oswald - Publié le 17/11/2018
Tous les médecins le savent, la jaunisse, c’est sérieux, parfois mortel ! De fait, la mobilisation des « gilets jaunes », émaillée d’incidents, avait déjà connu ses premières victimes dès le matin du samedi 17 novembre : une manifestante tuée en Savoie par une automobiliste bloquée à un rond-point et prise de panique quand des manifestants se sont mis à taper sur sa voiture, plus de deux cents blessés sur des barrages répartis sur tout le territoire où l’on aura compté quelque deux mille rassemblements. Tout cela à cause du prix du gasoil ? Non, bien sûr, les taxes sur les carburants ne sont, si l’on ose dire, que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Dans cette jacquerie des temps modernes, les tarifs à la pompe auront joué un rôle analogue à celui du prix du pain sous l’Ancien régime.

Nombre de « gilets jaunes » n’avaient jamais manifesté de leur vie, tel Bernard, retraité à Auch, qui a déclaré à l’AFP : « Je soutiens ce mouvement où pour une fois il n’y pas de syndicats ou de politiques. La mobilisation est spontanée et sincère. Elle est le reflet du ras-le-bol généralisé des Français qui d’habitude travaillent, payent et se taisent ». L’essentiel est dit, et c’est inquiétant : « Pas de syndicats ou de politiques ». S’il se concentre logiquement sur le gouvernement, le ressentiment frappe indistinctement les élites accusées d’avoir failli à représenter et à diriger la nation. Il émane surtout des territoires ruraux et des villes petites et moyennes frappés par la désertification médicale, le départ des services publics et des commerces, mais n’oublions pas que plus de la moitié des Français y habitent ! D’ailleurs, les Français dans leur ensemble, qu’ils se sentent directement concernés ou solidaires, ont approuvé à plus de 70% la mobilisation des « gilets jaunes » selon différents sondages. Ils n’ont pas été convaincus par l'intervention d'Emmanuel Macron depuis le porte-avion « Charles-de-Gaulle » mercredi 14 novembre qui succédait de quelques heures à celle d’Edouard Philippe, sur RTL : interventions trop tardives, trop partielles, trop technocratiques. Du bricolage, pas de la politique.

Au-delà du prix des carburants, c’est la question du pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes qui se pose. « Les Français n’en ont pas pour leur argent. Ils payent plus de mille milliards d’euros de taxes, d’impôts, de contributions diverses dans le même temps, ils voient les services publics reculer » résumait, la veille de la manifestation, François Langlet sur TF1. Mais au-delà encore du pouvoir d’achat et de la pression fiscale, c’est le sentiment d’être déclassés et en perte d’identité qui les taraude. « Plus que des mesures budgétaires, qui seront toujours jugées insuffisantes, c'est [un] discours de protection, d'attention et de considération qui est attendu du président » prévient Guillaume Tabard, dans son contrepoint du Figaro (en lien ci-dessous).

Le président et sa majorité seraient donc sages de ne pas laisser passer l’incendie sans y répondre par une profonde révision de leur gouvernance, sans rejeter la responsabilité du mécontentement sur ses oppositions de droite et de gauche, quoiqu’elles y aient leur part. Faute de quoi, l’incendie ne tardera pas à renaître sur une matière encore plus inflammable ! 
La sélection
« Gilets jaunes » : la jaunisse, ce n’est pas anodin !
Guillaume Tabard : « Une question d'identité autant que de budget »
Le Figaro
S'abonner gratuitement
Ajoutez votre commentaire
Valider
Pourquoi s'abonner à LSDJ ?

Vous êtes submergé d'informations ? Pas forcément utiles ? Pas le temps de tout suivre ?

Nous vous proposons une sélection pour aller plus loin, pour gagner du temps, pour ne rien rater.

Sélectionner et synthétiser sont les seules réponses adaptées ! Stabilo
Je m'abonne gratuitement
LES DERNIÈRES SÉLECTIONS