Faut-il réinventer la monnaie ?
Économie

Faut-il réinventer la monnaie ?

Par Yorick de Mombynes - Publié le 30/08/2022
Un débat fascinant se développe sur l’avenir de la monnaie, aux enjeux cruciaux en termes économiques, philosophiques et politiques. Au cours des millénaires, toutes sortes de choses ont été utilisées comme monnaies. Aujourd’hui, la monnaie est largement dématérialisée. Surtout, elle peut être créée facilement… peut-être même trop facilement.

Par le crédit bancaire, les banques commerciales créent de la monnaie ex nihilo : elles ont le pouvoir d’offrir plus de crédits qu’elles n’ont de réserves. Certes, elles le font dans des conditions encadrées par la puissance publique. Mais ce mécanisme engendre une tentation pratiquement irrésistible pour cette dernière d’autoriser une création monétaire excessive, notamment à son profit, pour compléter ses ressources au-delà de la fiscalité.

Sous l’étalon or, il existait une limite naturelle à la quantité de monnaie que l’on pouvait raisonnablement créer. Cette limite n’existe plus depuis la décorrélation du dollar et de l’or au début des années 1970.

Récemment, on a créé de la monnaie dans des proportions astronomiques, notamment pour répondre à la crise financière de 2008 puis à la crise du Covid. Mais cette création monétaire massive et le fonctionnement général de notre régime monétaire révèlent aujourd’hui des inconvénients et des risques préoccupants. L’épargne est diluée. La société de consommation est stimulée. Une économie de la dette s’est installée. On a laissé le capitalisme se financiariser. Le fonctionnement de l’économie est perturbé par des cycles économiques artificiels et violents. L’inflation monétaire alimente une hausse des prix profondément antisociale. On a confié des pouvoirs immenses à des banquiers centraux non responsables devant les électeurs. Enfin, à l’heure d’internet, on ne peut toujours pas faire de micro-paiements, et il faut plusieurs jours pour effectuer un virement bancaire international.

C’est en réponse à ces problèmes qu’ont émergé les cryptomonnaies depuis 2009. Elles ont pour particularité de fonctionner sur Internet sans organisme central. Il en existe désormais des milliers mais la principale en termes de valeur de marché reste le bitcoin.

Le bitcoin est une forme d’or numérique. On peut le transférer sur Internet de manière rapide, sécurisée, relativement confidentielle et avec une technologie qui se perfectionne avec le temps. Et, comme l’or, il est rare, donc apte à conserver de la valeur à long terme.

Le bitcoin reste aujourd’hui largement incompris. Il fait même l’objet d’une désinformation grotesque et choquante. Les monnaies « virtuelles » ne reposent-elles « sur rien » ? D’une certaine manière, c’est le cas des monnaies officielles : elles sont littéralement créées à partir de rien et sans coût. Et c’est sans doute le cas de beaucoup de cryptomonnaies. Le bitcoin repose, lui, sur un réseau informatique très concret qui rend un service spécifique, nouveau et précieux : stocker et transférer de la valeur sur Internet sans tiers de confiance, sans risque de censure et de manière programmable. La forte utilisation d’électricité nécessaire pour sécuriser le réseau Bitcoin est de moins en moins carbonée. Elle provient pour 60% d’EnR et cette proportion augmente avec le temps. En permettant de valoriser des surplus et de viabiliser économiquement des sources de production d’EnR, le bitcoin peut même devenir un atout pour la transition écologique.

La volatilité à court terme du bitcoin est un inconvénient indéniable mais logique et transitoire, dû au fait que le marché n’a pas encore trouvé de prix d’équilibre pour cet objet nouveau et intriguant. Elle devrait diminuer mécaniquement si l’adoption et la hausse du cours à moyen terme se poursuivent. Enfin, le bitcoin est beaucoup moins pratique que les monnaies traditionnelles pour le financement des activités illicites. Les transferts en bitcoins sont facilement traçables avec des moyens de police adaptés.

La situation est donc très éloignée de l’image anxiogène et péjorative renvoyée par les médias. La technologie du bitcoin progresse. Des dizaines de millions de personnes dans le monde l’utilisent pour se protéger de l’inflation et de l’arbitraire politique. De grandes entreprises et même certains États l’adoptent. Le bitcoin a le potentiel de rendre l’économie plus saine, plus efficace, plus juste et moins polluante que notre système fondé sur la dette, l’inflation et la consommation à outrance. Et il peut renforcer la souveraineté des individus face aux excès de certains États et de certaines grandes entreprises.

En réponse à l’essor des cryptomonnaies, les banques centrales réfléchissent à des « monnaies numériques de banques centrales ». Le risque est qu’elles ne fassent qu’amplifier les défauts du système actuel, en facilitant l’inflation monétaire et la surveillance généralisée de la vie privée. À chacun de se faire sa propre opinion. Il est urgent de se saisir de ces sujets : ils sont complexes mais passionnants et déterminants pour notre avenir.
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