Etats-Unis/Chine : une guerre froide nommée Huawei
Économie

Etats-Unis/Chine : une guerre froide nommée Huawei

Par Philippe Oswald - Publié le 02/04/2019
Entre la Chine et l’Occident, il y eut au XIXe siècle la guerre de l’opium qui a laissé une profonde blessure dans la mémoire chinoise. Au XXIe siècle, voici la guerre des télécommunications : le rival d’Apple, le géant chinois Huawei, premier fournisseur mondial de réseaux télécoms et numéro deux des fabricants de smartphones (95 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018), en est à la fois le prétexte et le symbole. Cette guerre commerciale et technologique qui oppose l’empire américain et son challenger chinois est en passe de diviser le monde tel un mur invisible mais bien plus efficace.

La déclaration de guerre a été faite par les Etats-Unis le 28 janvier 2019. Ce jour-là, une conférence de presse mobilisant les ministres de la Justice, de l'Intérieur et du Commerce, flanqués du directeur du FBI, annoncèrent l’inculpation de la firme Huawei, accusée de vol de technologie, d'espionnage industriel et de violation de l'embargo américain contre l'Iran. Cette inculpation suivait de peu le bannissement de Huawei par le Congrès américains dans la constitution du futur réseau 5G sur le territoire des Etats-Unis, obligeant les quatre grands opérateurs américains (AT&T, Verizon, Sprint et T-Mobile) à renoncer à utiliser des équipements Huawei pourtant considérés comme actuellement les plus performants. Pour faire bonne mesure, l’oncle Sam avertissait ses alliés de lui emboîter le pas sous peine de mesures de rétorsion.

Prétexte commercial ou réelle menace militaire ? Les Américains pointent deux risques majeurs qu’encourraient les pays s’équipant en Huawei : celui de l’espionnage par la pénétration de leurs réseaux de communication, et le risque encore plus crucial de paralysie des centres stratégiques en cas de conflit. Certains alliés des Etats-Unis - l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Japon - leur ont docilement emboîté le pas en bannissant les équipements Huawei du développement de leurs réseaux télécoms. Le Royaume-Uni semble préparer l’opinion à une mesure semblable en invoquant la sécurité nationale. Le Canada a même arrêté le 1er décembre à la demande de la justice américaine, Meng Wanzhou, la directrice financière de Huawei qui n’est autre que la fille du fondateur de la firme chinoise, étroitement lié au Parti communiste chinois (PCC). Elle est accusée de pratiques commerciales déloyales.

La Commission Européenne vient d’indiquer qu’elle n’appellera pas à une interdiction globale des équipements télécoms 5G de Huawei, laissant à chaque membre de l’UE le soin de décider au cas par cas. Mais beaucoup de pays européens auront du mal à résister à la pression américaine s’exerçant via l’OTAN d’autant que l’opinion commence à s’inquiéter sérieusement de l’expansionnisme chinois. L’Allemagne fait de la résistance en refusant d’exclure l’équipementier chinois de son processus de ventes aux enchères pour les licences 5G. La France, où Huawei est le premier employeur chinois, aimerait suivre l’exemple allemand, mais a-t-elle les reins assez solides pour résister à l’injonction américaine ? On y verra peut-être plus clair demain, 3 avril, où une proposition de loi pour réglementer le choix des équipements télécoms pour les déploiements 5G doit être discutée à l’Assemblée Nationale. L’Asie, à l’exception de l’Inde et du Japon, semble acquise à la Chine, et l’Amérique latine aux Etats-Unis. Toujours perçu comme un ennemi Outre-Atlantique, Moscou a de bonnes raisons pour tendre la main à Pékin. L’Afrique, elle, est déjà sous domination technologique chinoise. Bref, on est en train d’assister à « une partition technologique du monde entre une zone américaine et une zone chinoise » explique Renaud Girard dans Le Figaro (en lien).
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Renaud Girard : « Vers une partition technologique du monde »
Le Figaro
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