Décembre 2018, fin d’un monde, douleurs d’un enfantement ?
Politique

Décembre 2018, fin d’un monde, douleurs d’un enfantement ?

Par Philippe Oswald - Publié le 08/12/2018
Heureusement mieux contenue ce 8 décembre que le samedi précédent, la violence constatée en marge des manifestations des Gilets jaunes est un vieux travers français. Il est entretenu par les gouvernements qui font la sourde oreille aux manifestants pacifiques de la « Manif pour tous » mais cèdent devant la casse et les blocages (par exemple, en 2006 après les manifestations contre le CPE, en 2013 face aux Bonnets rouges, en 2016 face aux zadistes de Notre-Dame-Des-Landes).

Mais l’insurrection des Gilets jaunes n’est pas catégorielle, politicienne ou idéologique. Elle touche « la France périphérique », autrement dit la moitié de la population ! Son ampleur oblige à regarder cette autre violence, moins visible mais constante et plus profonde, qui s’exerce à l’égard de ces millions de Français laissés pour compte dans la course mondiale au profit et à la performance, aggravée, en France, par le poids écrasant de la fiscalité. Les Gilets jaunes ne rassemblent pas les Français les plus pauvres, mais tous ceux que les revenus du travail ne parviennent plus à faire vivre dignement : ouvriers, employés, petits fonctionnaires, paysans, chômeurs, retraités. L’Histoire retiendra que leur révolte a été déclenchée par un surcroît de taxes et de mesures punitives sur la voiture (carburants, contrôle technique, 80km/h…) infligées sous couvert d’écologie mais en totale contradiction avec l’injonction de la « mobilité » …

Cette crise ne se résume pas à la question du pouvoir d’achat : elle est un appel, un cri plutôt, à la reconnaissance de la dignité des personnes et à une juste solidarité entre toutes. Elle oblige à reconsidérer les fondements même de notre société, son organisation, l’éducation et la formation professionnelle, les services publics, l’aménagement et la ré-industrialisation du territoire, la transition énergétique, la relation entre le travail et le capital. Elle exige qu’on se penche enfin sur la France telle qu’elle est, victime d’un modèle social à bout de souffle et d’un Etat obèse, à la fois tyrannique et impuissant, et non telle que la rêvent les zélateurs d’une « nation start-up ». Bref à sortir de la technocratie pour refaire de la politique ! Vaste programme, immense chantier ! Sa mise en œuvre exige des mesures d’urgence sur le pouvoir d’achat mais ne s’accomplira pas sans une concertation et une adhésion aussi larges que possibles, et l’éclairage d’hommes et de femmes d’expérience, que n’aveugle pas l’idéologie. Il semble aussi de plus en plus évident qu’elle passera par un profond renouvellement de la représentation nationale, car l’échec de l’actuelle est patent, et par le retour des corps intermédiaires. La médiation est essentielle : on ne saurait céder à la dangereuse utopie d’une démocratie directe via les réseaux sociaux.

Pour approfondir la réflexion, ce profond échange entre François-Xavier Bellamy, professeur de philosophie, maire-adjoint de Versailles, auteur de « Demeure » aux éditions Grasset, et de « Les déshérités ou l’urgence de transmettre » (éd. Plon), avec Natacha Polony et Gilles Finchelstein, dans l’émission le « Le Grand face à face » sur France Inter, ce 8 décembre.
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