Cultiver et se nourrir à l’heure du coronavirus…et après !
Santé

Cultiver et se nourrir à l’heure du coronavirus…et après !

Par Philippe Oswald - Publié le 25/04/2020
La pandémie Covid-19 oblige à s’interroger sur l’alimentation dans son rapport avec la santé. Il apparaît par exemple que les formes pulmonaires graves de la maladie touchent majoritairement des personnes obèses (souvent également diabétiques), surtout des hommes âgés. Ainsi le faible taux de mortalité observé dans les pays du sud-est asiatique comme la Corée, le Japon ou Singapour (entre 2 et 4 décès par million d’habitants, contre 100 à 300 en Europe et aux Etats-Unis), peut être corrélé non seulement avec les mesures protectrices que ces pays ont précocement adoptées, mais aussi avec leur plus faible taux d’obésité (4 à 6 % de la population en Asie, contre 20 à 30 % en Europe, près de 40% aux Etats-Unis). L’impact de la « malbouffe » peut être aussi vérifié dans les régions et « banlieues » françaises les plus touchées par l’épidémie. Maladie des pauvres des pays riches et des riches des pays pauvres (par exemple, les fortunés Qatari sont fortement touchés par le diabète), l’obésité est une maladie de civilisation remise en pleine lumière par la pandémie. On verra si des leçons en seront tirées après l’épidémie.

Pour l’heure, les queues à la réouverture des MacDo drive ne sont pas un signe encourageant.  Mais comment reprocher aux plus pauvres de privilégier la « malbouffe » quand le confinement prive leurs enfants des repas très peu onéreux des cantines scolaires et des restaurants universitaires ? Avant la crise, en France, 5,5 millions de personnes recevaient ponctuellement ou régulièrement des aides alimentaires via les banques alimentaires, restos du cœur et autres soupes populaires s’approvisionnant grâce aux surplus des restaurants, cantines et marchés ouverts… et à présent fermés. Conséquence : la demande d’aide alimentaire a plus que doublé. Il va donc falloir reconfigurer des programmes de soutien aux associations d’aides alimentaires aux plus démunis.

Le souci d’une alimentation équilibrée devrait impliquer une réflexion sur l’origine et la récolte des produits frais, en particulier des fruits et légumes. Le confinement n’a guère d’incidence sur la récolte des céréales, entièrement mécanisée, mais il empêche les saisonniers immigrés de franchir les frontières pour faire le travail éprouvant et mal rémunéré que rechignent à faire les Français (280 000 travailleurs saisonniers étrangers chaque année). D’où actuellement beaucoup de pertes dans nos serres et nos vergers, et la hausse des produits frais dans les supermarchés. Va-t-on persister après la crise à sous-payer des travailleurs agricoles pour recruter une main-d’œuvre presqu’exclusivement immigrée ? Allons-nous continuer à recourir aux importations massives qui couvrent plus de la moitié de notre consommation de fruits et légumes, sans les garanties de qualité des produits français, y compris pour les labels « bio » ? Et à quels prix sommes-nous disposés à payer ceux-ci -quitte à rogner sur d’autres dépenses ? L’épidémie de coronavirus ne nous rappelle-t-elle pas que, quel que soit son coût, « la santé n’a pas de prix » ?

Qu’on juge ou non satisfaisant le fonctionnement de la Politique agricole commune (PAC), le fait est que la crise sanitaire ne se double pas en Europe, et notamment en France, d’une crise alimentaire. Reste que l’alerte est chaude…d’autant qu’on ne voit pas encore la fin de la pandémie… Alors que la PAC est en train d’être redéfinie, comment nous organiser pour nous nourrir sainement, en respectant la nature, et à coût abordable, tout en permettant à tous nos paysans de vivre convenablement ? Faut-il par exemple, s’agissant de l’élevage, continuer à nourrir nos bêtes avec des protéines végétales importées d’Amérique du Sud - sojas et maïs argentins, brésiliens, paraguayens… transgéniques ? Comment accélérer la transformation de notre agriculture héritée des décennies 1950-1990 pour continuer d’exporter en répondant aux besoins croissants de pays moins favorisés et fragilisés par le réchauffement climatique, notamment au sud de la Méditerranée ? Certainement pas en recourant à plus de chimie, les sols n’en peuvent plus : les rendements n’augmentent plus depuis trente ans… Il faut donc concevoir une agriculture à la fois écologique et intensive… vaste programme mais qui n’a rien d’utopique au vu des progrès scientifiques et technologiques.

Telles sont les principales questions que soulève et examine en détail sur son site (en lien ci-dessous) Bruno Parmentier, ancien directeur de l’École supérieure d'agriculture d'Angers (ESA). Il plaide pour qu’on ne renvoie pas aux calendes grecques une révolution agroécologique pouvant nourrir efficacement l’humanité en respectant la planète.
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