Couleurs de peau ou du drapeau ?
Société

Couleurs de peau ou du drapeau ?

Par Louis Daufresne - Publié le 13/07/2020
Il s’appelle Jean-Marc Vigilant. Et quand on le croise, on l'appelle « mon général ». Signe particulier : il est noir. C’est un peu notre Benjamin Olivier Davis, du nom de ce militaire afro-américain devenu le premier général de l’US Air Force juste après la guerre de Corée (1954). Les deux hommes ont un point commun : ils appartiennent à l’Armée de l’air.

Libération lui consacre un portrait : ce général de brigade aérienne va diriger l’École de guerre. L’institution sélectionne les officiers supérieurs qui, en seconde partie de carrière, se partageront les postes les plus élevés. Les noirs ne sont pas légions dans le haut commandement, alors que les soldats du rang, en particulier dans l’Armée de terre, sont assez largement issus de la diversité.

Petit clin d’œil ironique : Le Vigilant est aussi le nom d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) et, il y a quelques années, la très traditionnelle Marine nationale aurait pu s’enorgueillir de compter dans ses rangs le premier amiral (ou général) noir de l’armée française. Du jamais vu depuis Alexandre Dumas en 1793 ! Philippe Ebanga, alors capitaine de vaisseau, l’équivalent de colonel, était le noir le plus gradé. Il occupait le poste exposé de porte-parole de la Marine nationale, lorsque... Total mit la main dessus. Cet officier supérieur d'origine camerounaise préféra l’argent au prestige et le coup de com’ de la flotte tomba à l’eau… Que Total, si implanté en Afrique, recrute ce genre de profil ne surprend guère. Mais qu’on n’y trouve rien à redire est anormal. Est-ce bien logique que des officiers expérimentés, proches de dossiers sensibles, se fassent débaucher par de grosses boîtes dont les visées ne coïncident pas avec l’intérêt national et qui récupèrent néanmoins tout leur carnet d’adresses ? Ebanga chez Total, passe encore, serait-on tenté de dire (quoique, Total est une multinationale comme les autres). Mais que penser du Vendéen Pierre de Villiers, qui fut le plus jeune général de France, et le premier chef d’État-Major des armées (CEMA) à rejoindre une entreprise privée étrangère, de surcroît américaine (la totale, pour le coup) ? En avril 2018, la plus haute autorité militaire du moment se recycla comme Senior advisor du Boston Consulting Group (BCG). Le général de Villiers faisait encore un tabac éditorial (au demeurant mérité) avec ses deux livres Servir (Fayard, 2017) et Qu’est-ce qu’un chef ? (Fayard, 2018) quand il démissionna puis réorienta sa carrière sans coup férir. À cette époque, un certain public le voyait comme un opposant putatif à Emmanuel Macron…

Revenons à Jean-Marc Vigilant. Libération cherche à savoir si l’institution militaire avait discriminé ce fils de Martiniquais, né dans l’est de la France et dont le père était sous-officier dans l’armée de Terre. Sa réponse ne souffre aucune ambiguïté : « Je n’ai jamais vécu de brimade ou un coup d’arrêt à cause de ma couleur. » L’homme est un mauvais exemple. Pilote de chasse, il sortit d’une filière élitiste : il y aurait eu mille et une raisons de l’éliminer s’il n’avait fait ce qu’on attendait de lui. Le général Vigilant prend acte que si « la diversité est moins représentée chez les cadres supérieurs », l’armée reste « un ascenseur social » et parvient « à corriger des défauts ou excès qu’on peut voir à l’extérieur ». La question est : pourquoi l’armée y arrive-t-elle mieux que les autres ? Jean-Marc Vigilant parle du « fonctionnement très normé de notations (…) avec de possibles recours tout au long de sa carrière ». Mais il n’ignore pas que ce point, sans être secondaire, reflète une réalité plus élevée et plus globale : entrer dans l’armée, c’est accepter de mourir pour la nation. Même si tous les militaires ne vont pas dans des unités combattantes, les couleurs du drapeau priment sur les couleurs de la peau.
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Jean-Marc Vigilant, un plafond de verre en moins à l’Ecole de guerre
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