Comment l’État nous a privés de masques face au Covid-19
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Comment l’État nous a privés de masques face au Covid-19

Par Philippe Oswald - Publié le 09/04/2020
Parmi les nombreuses déficiences de l’Etat français face à la pandémie du Covid-19, l’absence de masques de protection est la plus simple à… démasquer. L’État a tout simplement torpillé la principale usine qui produisait en France les masques de protection FFP1 et FFP2 qui font si cruellement défaut à nos médecins et personnels soignants. L’État n’a pas respecté le contrat signé en décembre 2005 par le ministre de la Santé de l’époque, Xavier Bertrand, qui l’engageait à maintenir ses commandes pour garantir une réserve de masques en cas d’épidémie. Malgré des suppliques au président de la République, l’usine Sperian de Plaintel, dans les Côtes-d’Armor, qui avait été n°1 en Europe pour les tenues de protection des personnels, a fermé ses portes en 2018.

Entre temps, cette usine, qui employait un personnel qualifié depuis 30 ans, avait été vendue à des actionnaires – d’abord à Bacou-Dalloz, du groupe Essilor, qui, après l’avoir confiée à un « chasseur de coûts », l’a revendue fort cher, en 2010, au géant américain Honeywell. N’ayant d’yeux que pour l’Asie afin de minimiser les coûts de production, l’américain a enchaîné les plans sociaux. Mais c’est le non-respect par l’État de son contrat qui a décidé Honeywell à fermer l’usine en 2018. Il a même fait détruire les machines, dont certaines étaient flambant neuves, pour les vendre comme ferraille afin que personne ne puisse les remettre en service et lui faire concurrence ! Elles avaient été pourtant installées en partie grâce à de l’argent public.

L’usine a en quelque sorte payé son zèle à servir l’État, notamment en 2009 face à la pandémie de grippe A/H1N1. S’étant développée dans les années précédentes mais aussi, malheureusement, spécialisée, devenant mono-produit pour répondre aux commandes massives de l’État, elle avait alors produit 200 millions de masques. Mais le virus H1N1 ayant peu touché l’Hexagone, le gouvernement avait été accusé de dilapider l’argent public (toutes commandes confondues, l’État avait dépensé 350 millions d’euros pour l’achat de 1,7 milliard de masques : 1 milliard de chirurgicaux et 700 millions de FFP2). À cause des masques mais aussi des vaccins inutilisés, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé à l’époque, avait été vouée aux gémonies… Si celle-ci est aujourd’hui réhabilitée, l’usine, elle, a été condamnée à la disparition par le refus de Marisol Touraine, ministre de la Santé sous le quinquennat de François Hollande (2012-2017), de renouveler le stock de masques, au mépris du contrat signé par l’État en 2005.

Faire confiance à l’État jusqu’à se mettre entièrement sous sa dépendance, c’est juste suicidaire ! Hélas, ce suicide de l’usine Sperian aura contribué à la paralysie de la France et à la contamination de milliers de Français en 2020. Il faudra se souvenir de cette histoire à l’heure de relever notre industrie : rendre sa place et sa responsabilité à l’État ne revient certainement pas à se précipiter dans ses bras !
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