Chaud devant !
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Chaud devant !

Par Louis Daufresne - Publié le 24/06/2019
La France fait face à une vague de chaleur exceptionnelle, avec des températures qui pourraient dépasser les 40° C, jeudi et vendredi prochains. Revanche de la périphérie sur les métropoles : les villes, ilots de chaleur, souffriront particulièrement, en raison des sols bétonnés, du manque d'arbres et des activités humaines. À Paris, les usagers du métro vont goûter les « moments de grâce » chantés en son temps par l’ancien ministre Nathalie Kosciusko-Morizet : sur la ligne 13, plus orientale que jamais, les rames rimeront avec hammam, les barres en métal dégoulinantes ressembleront à d’improbables lianes auxquelles tous les Tarzans en chemise montreront leurs auréoles (sous les bras, pas sur la tête !). Oui, cette semaine, il fera bon vivre sur la pointe bretonne, le long des côtes de la Manche et, dans une moindre mesure, près de la façade atlantique. Trois jours après le solstice d’été, et avec une heure de soleil en plus qu’au mois d’août, cet épisode caniculaire se distingue par sa précocité. Il sera plus intense et moins long qu’en 2003, bien que dans la moitié sud du pays, il continuera la semaine prochaine. Que se passe-t-il ? Les masses d’air traversent plus facilement la Méditerranée. Mais surtout, « le flux sud est deux fois plus fort que le flux nord », observe Charles de La Croix Vaubois, jeune passionné de météorologie connu pour son compte twitter WXCharles@Aucoeurmeteo. Quand il fait 5° C en dessous des normales de saison, la vague de chaleur prend 10° C de plus. Le sud ramène plus facilement une masse d’air brûlante que le nord une masse d’air glaciale. Les canicules ne sont pas comparables aux anticyclones. Ces derniers apportent un temps sec été comme hiver mais seront plus puissants l'hiver que l'été. Actuellement, l’air chaud est soulevé par une petite dépression pivotant au large du Portugal. Elle y joue le rôle de pompe à chaleur. L’hiver, il peut arriver qu'une dépression prenne place dans le golfe de Gênes ; l’air moscovite peut alors plus facilement pénétrer en Europe.

On a relevé aujourd’hui des chaleurs comprises entre 35° C et 38° C entre Loire et vallées du Massif Central, la vallée du Rhône et l'arrière-pays provençal. La canicule va gagner demain le nord-est, avant de s'étendre entre mercredi et jeudi. Il a déjà fait 20,4° C la nuit de dimanche à lundi à Paris (le seuil caniculaire étant fixé à 21°C dans la capitale). Avec le réchauffement climatique, à l'échelle saisonnière, c'est l'été qui se réchauffe le plus. À Paris, les cinq étés les plus frais ont tous été observés avant 1980. Selon les scénarios de Météo-France, « le réchauffement pourrait atteindre 2° C à l'horizon 2071-2100 » dans le pays par rapport à l'ère préindustrielle, voire 4° C pour le plus pessimiste, avec des vagues de chaleur deux à trois fois plus nombreuses d'ici le milieu du siècle.

Cet « épisode » prend une autre coloration dans le contexte de « l’urgence climatique », laquelle attise la concurrence entre prévisionnistes américains et européens. Ainsi, pour cette fois, ce sont les Américains de GFS (Global Forecast System) qui ont détecté il y a dix jours les premiers signaux récurrents de températures anormalement chaudes sur une partie de l’Europe. « Ces signaux étaient tellement élevés qu’ils sortaient des schémas de calcul du modèle », precise Charles de La Croix Vaubois. Les prévisionnistes en Europe de l'IFS (Integrated Forecasting System) sont généralement meilleurs que leurs rivaux d’outre-atlantique et, pour encore gagner en performance, le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme va se doter l'an prochain d'un nouveau super calculateur, parmi les plus puissants du monde. L’engin sera capable d'analyser en un temps record des milliards d'informations. Déjà, depuis une semaine, les Européens ont gagné trois heures sur la pertinence de leurs prévisions. « Nous sommes passés de 27 à 30 heures, or, plus on prévoit loin, plus on est en mesure d'anticiper les événements météo extrêmes », ce qui peut sauver des vies, explique Florence Rabier, directrice générale de cet organisme intergouvernemental européen. Trois heures de gagnées pour l'évacuation d'une ville menacée par un ouragan, « ça peut compter », insiste-t-elle. Basés au Royaume-Uni, les Européens vont déménager leur centre de calcul l'an prochain à Bologne (Italie), où ce nouvel équipement est attendu. Il sera loué pendant quatre ans, obsolescence technologique oblige, pour un budget total de 70 M€. Mais, avertit Florence Rabier, « un euro investi rapporte dix à cent fois plus » en termes économiques. Une prévision météorologique plus fine, notamment en termes de températures, permet de mieux prévoir quelle quantité d'énergie il faudra dépenser pour faire face à une brusque remontée du thermomètre ou à une vague de froid. C'est particulièrement intéressant en ce qui concerne les énergies renouvelables et la production d'électricité, très difficile à stocker.
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