Avec l’affaire Fillon, la démocratie file un mauvais coton
Politique

Avec l’affaire Fillon, la démocratie file un mauvais coton

Par Philippe Oswald - Publié le 20/06/2020
Renouons les fils d’une histoire à rebondissements : 
- 27 novembre 2016 : François Fillon bat Alain Juppé par 66,49 % des voix contre 33,41 % au second tour de la primaire de la droite et du centre, en vue de l’élection présidentielle de 2017. Il est désormais le candidat officiel des Républicains (LR).
- 24 janvier 2017 : Le Canard enchaîné révèle que l’épouse du candidat, Pénélope Fillon, aurait bénéficié pendant plusieurs années d'un emploi fictif mais particulièrement bien rémunéré (Le Canard évoquait alors un montant de 600.000 euros mais on sait aujourd’hui que le total des salaires s’élève à 1.081.219 euros de fonds publics, perçus légalement ou illégalement, il appartiendra au tribunal de trancher le 29 juin 2020). Quelques heures plus tard, le même jour, le Parquet national financier (PNF) annonce l’ouverture d’une « enquête préliminaire ».
- 26 janvier : invité du 20 heures de TF1, François Fillon déclare qu’il renoncerait à la présidentielle s’il était « mis en examen » dans l’affaire de l’emploi supposé fictif de sa femme.
- 30 janvier- 3 février : François Fillon et son épouse sont entendus par les enquêteurs tandis que des perquisitions se déroulent à l’Assemblée nationale et au Sénat. 24 février : le Parquet national financier ouvre une information judiciaire.
- 1er mars : François Fillon annonce qu’il va être mis en examen mais qu’il maintient sa candidature à la présidentielle (contrairement à ce qu’il affirmait à TF1 le 26 janvier).
- 2 et 3 mars : perquisitions aux domiciles parisiens et sarthois des époux Fillon.
- 6 mars : le comité politique du parti LR réaffirme sa confiance à François Fillon.
- 14 mars : François Fillon est mis en examen dans l’enquête sur les soupçons d’emplois fictifs visant son épouse et ses enfants.
- 24-28 mars : Marc Joulaud, ancien suppléant de François Fillon, et Pénélope Fillon sont à leur tour mis en examen.
- 23 avril : le candidat Fillon est éliminé lors du premier tour de l’élection présidentielle (Macron : 18,19% ; Le Pen 16,14% ; Fillon 15,16%).


Puis en 2020 :
- 24 février-11 mars : François et Pénélope Fillon sont jugés devant la 32e chambre correctionnelle de Paris pour « détournement de fonds publics », « recel de détournement de fonds publics » et « abus de biens sociaux ». Le réquisitoire est particulièrement sévère : deux ans fermes et 350.000 euros d’amende (le jugement doit être rendu le 29 juin prochain).
- 10 juin, coup de théâtre : entendue par la Commission d'enquête parlementaire sur « les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire », Éliane Houlette, l’ancien magistrat à la tête du Parquet national financier (PNF) aujourd’hui retraitée, affirme avoir subi « une énorme pression » du Parquet général pour ouvrir une information judiciaire dans le dossier Fillon alors qu’elle-même aurait voulu en rester à l’enquête préliminaire (propos révélés par Le Point du 17 juin).
- 19 juin : un communiqué de l‘Elysée annonce qu’Emmanuel Macron, agissant en tant que « garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire » a décidé de saisir pour avis le Conseil supérieur de la magistrature pour « analyser si le Parquet national financier a pu exercer son activité en toute sérénité, sans pression » dans l'affaire Fillon, afin de « lever tout doute sur l'indépendance et l'impartialité de la justice ».

Les deux derniers épisodes de ce feuilleton politico-judiciaire dénotent pour le moins une certaine nervosité de l’ancienne patronne du PNF et du chef de l’Etat. Les révélations de l’ex-procureur du PNF ne changent rien au fond judiciaire de l’affaire, mais en avouant l’ingérence du Parquet général dans l’action publique contre un candidat à l’élection présidentielle, elles fragilisent la légitimité d’Emmanuel Macron et, accessoirement, l’avenir judiciaire d’Éliane Houlette (qui fait déjà l'objet d'une enquête préliminaire pour « violation du secret de l'enquête » dans une autre affaire d'emplois fictifs). La magistrate à la retraite a en effet contredit le 10 juin, en déposant sous serment devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, ce qu’elle affirmait le 20 juin 2019, quelques jours avant son départ à la retraite, à l’hebdomadaire Marianne : « Je peux vous certifier qu’en cinq ans et demi, je n’ai jamais subi aucune pression, ni reçu aucune consigne. J’ai travaillé ici en toute liberté. » Le fait est que le 24 février 2017, elle n’avait laissé paraître aucun trouble pour lancer la machine judiciaire contre le candidat Fillon, ruinant les chances du candidat LR de l’emporter dans la campagne présidentielle … et ouvrant un boulevard à Emmanuel Macron, désormais seul face à Marine Le Pen.
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Quand l’ex-patronne du PNF reconnaît implicitement l’existence du raid judiciaire anti-Fillon
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