1er tour des municipales : le nouveau monde rattrapé par l’ancien ?
Politique

1er tour des municipales : le nouveau monde rattrapé par l’ancien ?

Par Pierre-Louis Brière - Publié le 03/04/2020
Hier, le premier ministre, invité de TF1/LCI, a indiqué que le second tour des municipales aurait bien du mal à se tenir le 26 juin. Il envisage un report en octobre ou plus tard, avec un nouveau scrutin à deux tours pour les 5.000 communes qui ont besoin d'un second tour. Les 30.143 communes ayant élu leur conseil municipal dès le premier tour ne sont pas concernées.

Vu le contexte, ce n'était bien sûr pas le moment de l'interroger davantage à ce sujet. Mais plus de deux semaines après le premier tour des élections municipales, force est de constater que l’analyse des résultats a été totalement occultée par l’actualité sanitaire. Le scrutin s’est tenu dans des conditions particulières (notamment après les interventions d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe demandant aux Français de rester chez eux mais en les invitant à aller voter) et la participation s’en est ressentie (55,5% d’abstention).

Il n’est cependant pas inintéressant de se pencher sur les résultats et d’en tirer des premières leçons. Le premier enseignement concerne la République en Marche. Le parti présidentiel tablait sur l’élection de 10.000 élus municipaux : chiffre extrêmement bas sur les 500.000 conseillers municipaux qui seront élus, révélateur du peu d’ambition (ou du réalisme) du camp macroniste.

Une stratégie fut mise en place : 1- lancer les ministres dans la bataille, 2- présenter un nombre très réduit de listes, 3- soutenir (avec ou sans leur consentement) des maires sortants.

Sur l’insistance d’Emmanuel Macron, 10 membres du gouvernement (ministres et secrétaires d’Etat) se présentèrent devant les électeurs. Si 5 furent élus dès le premier tour, il est intéressant de voir que trois étaient des transfuges de droite (anciens LR), deux des anciens membres du Modem, et tous implantés localement (par exemple Gérald Darmanin à Tourcoing ou Sébastien Lecornu à Vernon). Par contre, parmi les membres du gouvernement ayant un profil plus « macroniste », c’est la débandade : Marlène Schiappa, colistière dans le 14e arrondissement parisien, n’obtient que 14% des suffrages, Jean-Baptiste Djebbari est éliminé dès le premier tour à Limoges avec 7% (là où le candidat de droite obtient 46%).

Concentrons l’analyse sur les 50 villes les plus peuplées de France. C’est là que l’on trouve les électeurs d’Emmanuel Macron, les anywhere selon l’expression de David Goodhart (les jeunes entrepreneurs habitants les métropoles, mobiles et bien insérés dans la mondialisation).

Sur ces 50 villes, le premier constat est que LREM n’a présenté que 28 listes. Pour un parti présidentiel, bien que son existence soit récente, c’est extrêmement peu. Seules deux listes LREM arrivent en tête (deux ministres : Edouard Philippe et Gerald Darmanin). Les listes présidentielles terminent en moyenne entre la 3eme et la 4eme place. Au contraire, le PS et LR confortent leurs assisses locales, en étant en tête ou gagnant dans 24 villes pour les socialistes et 17 pour la droite.

Les grands vainqueurs sont donc les deux partis de gouvernement traditionnels. La droite conserve (pour l’instant) son bon score de 2014, avec de nombreux maires élus dès le premier tour, par exemple Arnaud Robinet à Reims, François Baroin à Troyes ou Jean-François Copé à Meaux. Force est de constater une vraie prime à l’ancienneté et aux maires sortants. Le PS obtient des résultats satisfaisants (notamment à Paris, Lille ou Marseille) et reprend les terres séduites par le macronisme en 2017, par exemple la Bretagne.

Les résultats de ce scrutin montrent également un étrange paradoxe. Le nouveau clivage instauré par Macron depuis 3 ans, entre d’une part le « camp du bien », celui des progressistes, et d’autre part les conservateurs, ne se reflète pas au niveau local. Alors que la vie politique nationale semble être régie par le duel LREM-RN, l’ancien monde se rappelle au souvenir du nouveau. Les Français pensent donc que ce sont les élus locaux rattachés aux partis traditionnels, ancrés localement, qui sont les plus aptes à gérer les affaires de leurs communes.

Le contexte actuel ne doit pas masquer le camouflet enregistré par le parti LREM. Rarement un parti présidentiel aura eu si peu d’ancrage local. 
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