Économie

La baisse des ventes des véhicules électriques : une mauvaise nouvelle... pour les Chinois

Par Jean Staune - Publié le 30/04/2024 - Photo : une voiture électrique charge à Paris. (Fiora Garenzi / Hans Lucas via AFP)
L'Europe œuvre depuis des années pour se constituer peu ou prou un parc automobile 100 % électrique. À l'heure où son élan s'essouffle, elle pourrait néanmoins ne pas sortir perdante de cette course manquée.

En ce début d'année 2024 la vente des voitures électriques est en baisse sur les trois principaux marchés mondiaux : les États-Unis, la Chine et l'Europe. L'information interroge quand on connaît l'obligation de ne vendre que des véhicules électriques à partir de 2035 — soit dans 11 ans seulement. De son côté, la France fait pour l'instant exception car le marché a bénéficié d'un dispositif temporaire permettant de subventionner 50 000 ventes. À l'inverse, en Allemagne, la chute atteint les 29 % sur un an ! C'est dans ce pays, pourtant fer de lance de l'énergie d'origine écologique, que la réticence est la plus importante. En 2021, Mercedes avait annoncé en bonne élève vouloir atteindre l'objectif dès 2030 pour prendre de l'avance sur la règlementation. Trois ans après, l'entreprise vient d'annoncer qu'elle allait y renoncer, se contentant de 50 % de véhicules électriques ou hybrides en 2030 — objectif prévu dans son plan initial pour... 2025.

Plus généralement, l'incertitude grandit autour de cette question. Depuis plus de deux ans, la possibilité de remettre en cause l'objectif obligatoire pour tous les pays de l'UE est discutée — au grand dam des professionnels du secteur soumis à des injonctions contradictoires. Commence en outre à émerger un constat, quoiqu'un peu tard : celui du cadeau extraordinaire que l'on est en train de faire à l'industrie chinoise. En effet, la Chine, qui était déjà le premier marché automobile de la planète, est devenue depuis peu le premier exportateur, triplant ses exportations de voitures en trois ans, dont un tiers déjà est électrique. Malgré leur statut de premier marché du monde, les constructeurs chinois avouent ne pas pouvoir rattraper les occidentaux en termes de qualité et de performances des véhicules thermiques, car ils ont trop de retard sur eux.

En fait, il est beaucoup plus facile de partir d'une page blanche sur une autre technologie que de transformer un ancien système. On peut à cet égard observer l'exemple des constructeurs de montres classiques : ils n'ont pas réussi à percer sur le marché des montres électriques, sauf dans le cas de Swatch qui, justement, était un nouveau venu dans le domaine. En Occident, la position dominante de Tesla prouve qu'un nouveau joueur compétent est bien plus avantagé qu'un constructeur classique. General Motors ou Volkswagen essayent de se transformer en constructeurs de « tout électrique ». Or, les autres nouveaux constructeurs américains ne décollent pas. Quant à un nouveau constructeur européen, n'en rêvons même pas...

En Chine, Xiaomi, entreprise mondialement connue pour ses téléphones portables, vient d'annoncer le lancement de sa première voiture électrique, la SU7. Cette voiture, qui est une copie quasi conforme de la Porsche Panamera, offre un intérieur et des options du même niveau que sa rivale allemande mais pour quatre fois moins cher (autour de 28 000 €). Ce prix compétitif risque cependant de faire perdre de l'argent à l'entreprise. Le modèle a connu un succès de vente retentissant, à tel point que 120 000 commandes ont été écoulées en 36 heures. L'entreprise a ensuite dû arrêter ses ventes, car elle avait atteint sa production annuelle. Elle compte bien passer rapidement à 300 000 exemplaires. Cette dynamique s'observe à grande échelle puisque le marché intérieur des voitures électriques chinoises devrait doubler d'ici 5 ans. Surfant sur ce gigantesque marché intérieur, le constructeur BYD, encore largement méconnu, concurrence désormais sérieusement Tesla pour la première place mondiale dans les véhicules électriques.

Ce qui est intéressant, c'est que l'annonce de Mercedes de renoncer au tout électrique pour 2030 a fait trembler... les Chinois. Car si l'Europe abandonne son objectif du « tout électrique », c'est l'économie chinoise qui en paiera le prix. Les mécanismes mis en place en Europe pour inciter à l'électrique ont cela dit de quoi les rassurer. Par exemple, les voitures à moteur thermique seront encore autorisées à condition de rouler avec un carburant synthétique coûtant quatre fois plus cher que l'essence normale. La menace pour les voitures électriques de l'industrie chinoise est donc toute relative.

Par ailleurs, les Chinois sont bien conscients que l'on ne les laissera pas envahir l'Europe avec des voitures fabriquées chez eux. Toutefois, les premières voitures électriques chinoises fabriquées en Europe devraient sortir des chaînes de montage dès 2025. La France est en première ligne, tant Renault et Peugeot pèsent dans notre économie. Ces entreprises sont le prototype même des fabricants handicapés face aux nouveaux constructeurs chinois. Le coup stratégique potentiel que porterait à la Chine un recul sur le tout électrique constitue une raison supplémentaire d'inverser la tendance. Si l'aveuglement des États continue dans ce domaine, seule la sagesse des acheteurs servira de garde-fou. Certains réaliseront peut-être, comme nous l'avons déjà expliqué ici, l'impossibilité de fournir de l'électricité pour un parc automobile exclusivement électrique et la conséquence sur le prix du « plein d'électricité ».

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Voitures électriques : pourquoi le marché se tasse
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1 commentaire
Francoid
Le 02/05/2024 à 21:11
Nul qu ont nous laisse le thermique électricité pas assez et en plus un cercueil roulant et batterie oriblement chère plus cher que la voiture
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